L’histoire géologique de Mars et la formation des continents terrestres reconsidérés grâce aux fragments de granites de la météorite martienne « Black Beauty »

Communiqué de presse Matériaux et structures

Une équipe de scientifiques du Muséum national d’Histoire naturelle, de Sorbonne Université, du CNRS, de l’Université de Lille et de l’Université Paris-Saclay, publie une étude dans Nature Geoscience mettant en évidence la découverte de fragments de granite datant de 4,4 milliards d’années contenus dans la météorite martienne exceptionnelle « Black Beauty ». Les granites sont les principales roches constitutives des continents terrestres. Leur présence dans une météorite provenant de Mars nous amène à reconsidérer l’histoire géologique de cette planète et nous éclairent sur le processus de formation des continents sur Terre.

Si nous n’avons pas encore pu rapporter d’échantillons de Mars, nous disposons de plus de 400 kg de roches issues de cette planète et arrivées sur Terre sous forme de météorites, reliquats de roches éjectées dans l’espace à la suite d’impacts. Jusqu’à la dernière décennie, leur étude corroborait le paradigme d’une surface martienne basaltique laissant à penser qu’il n’y a pas eu d’évolution géologique sur cette planète. Mais les observations des quinze dernières années ont révélé une plus grande diversité pétrologique de la surface martienne. Les études orbitales et celles menées in situ par les rovers ont montré la présence de roches plus riches en silice, plus proches de celles qui constituent la croûte continentale de la Terre. L’étude publiée dans Nature Geoscience s’inscrit dans cette lignée puisqu’elle révèle la présence de fragments de granites datant de 4.4 milliards d’années dans la météorite martienne NWA7533, plus connue sous le nom de « Black Beauty ». Ces fragments rocheux, dont l’assemblage minéral est dominé par le quartz et des feldspaths, sont les roches siliciques les plus évoluées connues parmi les lithologies martiennes différenciées. Leur présence suggère que des embryons de continents ont commencé à se former sur Mars dès cette époque-là, en même temps que des embryons de continents se formaient probablement sur Terre.

L’existence de granites martiens vieux de 4.4 milliards d’années permet de mieux comprendre le processus de formation des continents terrestres dont les roches les plus anciennes ont été détruites par le jeu combiné de l’érosion et de la tectonique des plaques. Les seuls témoins de l’histoire plus ancienne que 4 milliards d’années de la Terre dont nous disposons sont des grains de zircon isolés, vieux de 4,3 milliards d’années. Ces zircons témoignent de la formation précoce de roches granitiques en présence d’eau, à l’origine des premiers continents terrestres dont ils constituent les seules reliques. 

Mars n’a pas connu l’évolution géologique complexe de la Terre et n’a pas développé de tectonique des plaques, ce qui a permis à des roches très anciennes d’être préservées. L’étude de ces fragments granitiques martiens très anciens suggère qu’ils sont issus de la cristallisation de magmas en présence d’eau formés à la suite d’un ou plusieurs impacts, un phénomène géologique majeur lors de la formation des planètes. Il est probable que les mêmes processus ont été à l’œuvre dans la genèse des embryons des continents terrestres aujourd’hui disparus.

Ce travail est le fruit d’une collaboration internationale entre des laboratoires français (Institut de Minéralogie, de Physique des Matériaux et de Cosmochimie – IMPMC, Paris ; Unité Matériaux et TransformationsUMET1 , Lille ; GéoSciences Paris-Saclay – GEOPS, Saclay ; Laboratoire de Géologie de l’École Normale Supérieure –LGENS Paris) ; Suisses (Université de Lausanne) et américains (University of Arizona et Florida State University).

Fragments granitiques dans la météorite NWA7533 vus au microscope électronique à balayage, en électrons rétrodifusés (à gauche), en émission de rayons X (à droite). Les couleurs qui s’additionnent correspondent aux éléments chimiques présents (silicium en jaune, fer en rouge, potassium en vert, calcium en bleu et sodium en rose. Les grains de quartz apparaissent en noir à gauche et en vert olive à droite. Ils sont associés à des feldspaths potassiques (vert pomme) et sodiques (rose) comme cela est typique dans les granites. © Malarewicz et al, IMPMC.
Fragments granitiques dans la météorite NWA7533 vus au microscope électronique à balayage, en électrons rétrodifusés (à gauche), en émission de rayons X (à droite). Les couleurs qui s’additionnent correspondent aux éléments chimiques présents (silicium en jaune, fer en rouge, potassium en vert, calcium en bleu et sodium en rose. Les grains de quartz apparaissent en noir à gauche et en vert olive à droite. Ils sont associés à des feldspaths potassiques (vert pomme) et sodiques (rose) comme cela est typique dans les granites. © Malarewicz et al, IMPMC. 
  • 1UMET - CNRS/ULille/CLI/INRAE

Références

V. Malarewicz , O. Beyssac,  B. Zanda, J. Marin-Carbonne, H. Leroux , D. Rubatto, A. S. Bouvier , D. Deldicque, S. Pont, S. Bernard, E. Bloch, S. Bouley, M. Humayun & R. H. Hewins, (2025) Evidence for pre-Noachian granitic rocks on Mars from quartz in meteorite NWA 7533, Nature Geoscience

DOI : https://doi.org/10.1038/s41561-025-01653-z