Portrait de Science | 3 Questions à Christelle Fraïsse

Portrait de Science Ecologie évolutive, environnement et biodiversité

Christelle Fraïsse est chercheuse au sein de l'unité de recherche Evolution, Ecologie et Paléontologie (Evo-Eco-Paléo1 ).

  • 1EEP - CNRS/ULille

Quel est votre parcours ?

Avec l’envie d’approfondir mes connaissances en génétique et en biologie évolutive, j’ai obtenu une licence de « Biologie des organismes » à l’Université Jean-François Champollion d’Albi, puis un master « Biodiversité, Écologie, Évolution » à l’Université de Montpellier. Durant ce dernier, j’ai réalisé un stage à l’Institut des Sciences de l’Évolution de Montpellier (ISEM1 ), un laboratoire dans lequel j’ai ensuite poursuivi une thèse. Mon travail consistait à étudier le processus de création de nouvelles espèces (spéciation) dans un complexe d’espèces de moules européennes. J’ai exploré leur diversité génétique et reconstitué leur histoire de divergence et de migration. Suite à cette thèse, j’ai poursuivi mon travail de recherche en lien avec la spéciation par un post-doctorat à Vienne pendant lequel j’ai traité la question de l’implication des chromosomes sexuels dans l’isolement reproducteur, soit le mécanisme limitant l’hybridation entre deux espèces apparentées.
En 2020, j’ai rejoint le CNRS en qualité de chargée de recherche au sein du groupe « Spéciation » du laboratoire Evolution, Ecologie et Paléontologie (EEP) de Lille. J’ai continué mon projet de recherche en me concentrant sur l’implication des chromosomes sexuels dans la spéciation des diptères - un ordre de la classe des insectes caractérisé par une paire d’ailes - avec des approches de modélisation et de génomique comparative.

Vous avez été lauréate en 2022 d'une bourse "ERC Starting Grant" : quel impact pour vos recherches ?

Cette bourse européenne s’inscrit dans le cadre du projet BRYOFIT2 que je coordonne. La sélection naturelle est un pilier de la biologie évolutive, mais les facteurs qui déterminent son efficacité sont encore mal compris. BRYOFIT vise à comprendre l’efficacité de la sélection naturelle chez les bryophytes, c’est-à-dire les mousses au sens large, sous l’angle de la ploïdie. Leur cycle de vie est caractérisé par l’alternance d’une phase haploïde (lorsque les chromosomes sont présents en un seul exemplaire dans les cellules) et d’une phase diploïde (les chromosomes sont alors présents par paires, comme chez l’Humain). La comparaison de ces deux phases permet d’étudier l’influence de la ploïdie sur l’adaptation des populations et leur capacité à purifier leur génome des mutations délétères. Ce projet ressemble à un véritable défi, car même si les mousses sont un modèle idéal, nous sommes en réalité les précurseurs en France pour l’étude génomique de ce groupe très ancien de plantes !

Je tiens à souligner l’accompagnement exemplaire que j’ai reçu de la part de la Délégation Régionale Hauts-de-France, de l’Institut Écologie et Environnement (INEE) du CNRS et de mon laboratoire, qui m’ont aidée à l’obtention de cette bourse européenne. J’ai bénéficié d’un réel support pour compléter les aspects administratifs du dossier, mettre en valeur des points de mon parcours dont je n’avais pas forcément conscience, et m’exercer pour l’audition devant un panel d’experts internationaux.

« Comme un arlequin, nos génomes sont une mosaïque de gènes d’origines différentes et soumis à des pressions sélectives diverses. Je me retrouve tout particulièrement dans cette peinture, ayant des origines franco-mexicaines. » © « Arlequin », peinture d’Alain Demarte
« Comme un arlequin, nos génomes sont une mosaïque de gènes d’origines différentes et soumis à des pressions sélectives diverses. Je me retrouve tout particulièrement dans cette peinture, ayant des origines franco-mexicaines. »
© « Arlequin », peinture d’Alain Demarte

Qu'est-ce qui vous anime dans votre travail de recherche ?

Déjà très jeune, je faisais preuve d’une grande curiosité en passant mon temps à me questionner et interpeller mon entourage pour obtenir des réponses à « Pourquoi ceci ? » ou « Pourquoi cela ? »... La biologie évolutive consiste justement à comprendre le pourquoi des choses. Par exemple, pourquoi retrouve t-on de l’ADN de Néanderthaliens dans nos génomes? Ou pourquoi les femmes ont deux chromosomes X alors que les hommes ont un chromosome X et un Y ? La génétique évolutive nous permet de répondre à ce type de questions fondamentales.

J’ai toujours apprécié la dynamique au sein des laboratoires de recherche, elle encourage à la collaboration et aux échanges. J’essaie de m’investir autant que possible dans l’animation scientifique, par exemple par l’organisation de séminaires ou de conférences. J’ai notamment participé à l’organisation de l’édition Lilloise du colloque « Petit pois déridé » dédié aux sciences de l’évolution. Je suis particulièrement attachée au partage des connaissances. Je participe en tant que mentor au « Cercle de mentorat », un programme nouvellement lancé à l’Université de Lille pour accompagner les doctorant.e.s dans leur carrière. De même, j’ai pendant ma thèse exercé une fonction de monitrice, avant même d’enseigner en Autriche ; à terme, je compte bien reprendre une activité d’enseignement !

  • 1ISEM - CNRS/Univ Montpellier/IRD/Université PSL/CIRAD/INRAP
  • 2Selection efficacy at intraspecific and interspecific scales: insights from haplo-diplontic plants

Mini biographie

2014 : Obtention d’un doctorat en génomique évolutive à l’Université de Montpellier
2015-2020 : Post-doctorat à l’Institute of Science and Technology Austria de Vienne
2020 : Entrée au CNRS en tant que chargée de recherche au laboratoire EEP

Contact

Christelle Fraïsse
Chercheuse