L'appel de la forêt

CNRS le journal Ecologie évolutive, environnement et biodiversité

Les forêts mondiales couvrent un tiers des terres émergées. Bien qu’elles nous rendent de précieux services, elles n’ont jamais été autant sous pression. Au point de nous mettre parfois face à nos contradictions, entre forêts sanctuarisées et forêts (sur) exploitées, comme vous le découvrirez dans ce premier volet de notre série d'été consacrée à la forêt.

(Cet article est extrait du dossier « La forêt, un trésor à protéger », paru initialement dans le n° 16 de la revue Carnets de science, disponible en librairie et Relay.)

Nos forêts pourraient-elles disparaître ? Par leur violence, mais aussi leur précocité, les mégafeux de l’année 2023 ont jeté une lumière crue sur la fragilité des régions boisées de notre planète. Au Canada, la province de l’Alberta située à l’ouest du pays s’est embrasée dès le début du printemps. 3 500 kilomètres carrés (km2) sont partis en fumée en moins d’une semaine et 30 000 personnes ont dû être évacuées. Même chose en Russie, où 6 000 km2 de forêts boréales se sont consumés dans l’Oural et en Sibérie dès le mois de mai… Tout le pourtour méditerranéen a été touché, Espagne, Grèce… Et les incendies ont sévi dans le département français des Pyrénées orientales dès le mois d’avril, un record.

« Il faut être très prudent s’agissant des incendies, souligne Laurent Simon, professeur émérite de géographie à l’université Panthéon-Sorbonne et membre du Laboratoire dynamiques sociales et recomposition des espaces (Ladyss). Au niveau mondial, les feux de forêts n’ont pas tellement gagné en surface ces trente dernières années, avec 3 à 4 millions de kilomètres carrés brûlés chaque année selon les données satellitaires du programme Copernicus. En revanche, la nature des incendies a, elle, totalement changé. Avant, il y avait beaucoup de petits feux. Désormais, on se retrouve face à de très grands incendies extrêmement dévastateurs. »

Mégafeu en Colombie britannique (Canada).
© BC Wildfire Service / AFP

 

À l’origine de ces mégafeux, apparus il y a environ une quinzaine d’années : le réchauffement climatique et les sécheresses qui sévissent en forêt. Mais ce n’est pas le seul facteur en jeu. « En Californie, par exemple, ou encore en Australie, ces incendies naissent bien souvent à l’interface entre zones urbanisées et forêts. Car plus on rapproche les habitations des forêts, plus on augmente les risques. En Russie, à la sécheresse de 2023 s’ajoute le fait que l’on a supprimé la moitié des gardes forestiers... Les feux ont largement le temps de se propager avant d’être repérés », rappelle Laurent Simon.

C’est quoi une forêt ?

Ces incendies nous apprennent en tout cas une chose : les forêts sont des objets complexes, qui tolèrent mal les simplifications. Le simple fait de les définir est d’ailleurs une gageure. C’est quoi, une forêt ? Peut-on qualifier de forêt une savane au couvert arboré très discontinu ? L’autoproclamée « micro-forêt urbaine » plantée au bout de ma rue est-elle vraiment une forêt ? « Aujourd’hui, c’est la définition de la FAO, l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, qui prévaut au niveau international, indique Laurent Simon. Selon cette définition, une forêt suppose que le couvert d’arbres représente au minimum 10 % du sol, sur une surface minimale d’un demi-hectare, et que les arbres y mesurent au moins 5 mètres de haut à l’âge adulte.

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