CATAMAREN, nouvel acteur clé de la transition énergétique maritime

Institutionnel Ecologie évolutive, environnement et biodiversité

Le laboratoire commun CATAMAREN, fruit d’une collaboration entre l’Unité de Catalyse et Chimie du Solide (UCCS1 ) et SEGULA Technologies, explore diverses voies de décarbonation du transport maritime et fluvial. Une initiative essentielle pour un secteur qui opère sa transition écologique. Retour sur ses objectifs et enjeux.

  • 1UCCS - CNRS/ULille/Univ Artois/CLI

Malgré son poids dans les échanges mondiaux — 90 % des marchandises transitent par voie maritime —, le secteur reste un « retardataire » en matière de transition énergétique. « Alors que l’aviation a largement investi dans la réduction des émissions, le maritime est à peine en train de rattraper son retard », souligne Teddy Roy, pilote R&D au sein du groupe d’ingénierie SEGULA Technologies.

La stratégie de l’Organisation Maritime Internationale (OMI), révisée en 2023, impose une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici 2030 et 70 % d’ici 2040, avant d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Cette réglementation stricte implique de nouveaux défis pour les acteurs du secteur, qui doivent conjuguer réduction des coûts et innovation technologique. 

Un autre enjeu fondamental réside dans la spécificité des carburants maritimes actuels. Composés de fioul lourd, ces carburants, bon marché mais très polluants, représentent une part importante des émissions globales du secteur. L’adaptation à ces nouvelles réglementations implique donc de repenser entièrement leur usage et leurs alternatives.

Réunion de lancement du laboratoire commun CATAMAREN le 17 décembre 2024 à l'Université de Lille (Villeneuve-d'Ascques) © SEGULA TECHNOLOGIES
Réunion de lancement du laboratoire commun CATAMAREN le 17 décembre 2024 à l'Université de Lille (Villeneuve-d'Ascques)
© SEGULA TECHNOLOGIES

Des carburants aux solutions innovantes


Le laboratoire commun CATAMAREN (CATAlysis for MARitime transport ENergy transition), avec ses trois axes de recherche, entend jouer un rôle majeur dans cette transformation. Il a été lancé le 17 décembre 2024 entre SEGULA Technologies et l’Unité de catalyse et de chimie du solide (UCCS - CNRS/Université de Lille/Université d’Artois/Centrale Lille Institut). Les activités de CATAMAREN incluent la désulfuration des fiouls et l’exploration de carburants alternatifs à base d’hydrogène ou d’ammoniac.

Le pilier historique de CATAMAREN concerne en effet la désulfuration du fioul lourd utilisé par les navires. Carole Lamonier, professeur à l’Université de Lille, explique : « Nous cherchons à mettre au point une solution embarquée qui élimine le soufre des carburants directement à bord, réduisant ainsi les émissions d’oxydes de soufre responsables des pluies acides ». Cette approche repose sur la catalyse hétérogène, une technologie permettant de traiter les carburants lourds, traditionnellement peu étudiés en recherche.

Le processus de désulfuration s’appuie sur un catalyseur spécifique capable de réduire la teneur en soufre jusqu’à des niveaux très faibles. « Ce traitement est crucial pour conformer les navires aux normes écologiques tout en minimisant leur impact sur l’environnement », ajoute Teddy Roy. 

L’avenir passe également par les carburants alternatifs, deuxième axe de travail du laboratoire commun. Ammoniac et méthanol sont en tête des solutions à explorer. Cependant, comme le souligne Teddy Roy, « ces carburants présentent des défis techniques, notamment en termes de combustion. L’ammoniac, par exemple, nécessite des additifs comme l’hydrogène pour améliorer son rendement ». Le laboratoire développe ainsi des catalyseurs spécifiques pour répondre à ces besoins.

La transition depuis le fioul lourd vers les « blue fuels » (produits à partir de ressources fossiles avec captage de CO2) puis les « green fuels » (issus d’énergies renouvelables), représente un objectif ambitieux, mais essentiel pour le secteur.

Chercheurs du laboratoire commun sur le campus de l'Université de Lille (Villeneuve-d'Ascq) © SEGULA TECHNOLOGIES
Chercheurs du laboratoire commun sur le campus de l'Université de Lille (Villeneuve-d'Ascq)
© SEGULA TECHNOLOGIES

L’hydrogène et les perspectives d’avenir


Le troisième axe du laboratoire commun explore l’utilisation de l’hydrogène pour les trajets courts et moyens. La stratégie repose sur l’ammoniac comme vecteur d’hydrogène, permettant alors son utilisation à bord des navires et à travers le globe. « L’hydrogène vert issu d’énergies renouvelables et stocké dans l’ammoniac pourrait, après une étape de décomposition effectuée sur les navires, alimenter directement des piles à combustible », précise Carole Lamonier. Cette solution, encore en développement, pourrait transformer les systèmes de propulsion maritime.

Le transport maritime et fluvial, avec ses spécificités techniques et opérationnelles, bénéficie de l’expertise unique de SEGULA Technologies. « Notre connaissance approfondie de l’ingénierie navale et des contraintes du secteur apporte une valeur ajoutée essentielle au projet », explique Teddy Roy. Le laboratoire commun identifie des solutions adaptées aux différents types de navires et aux besoins spécifiques des armateurs.

CATAMAREN se distingue par sa structure collaborative. L’équipe, composée d’ingénieurs, chercheurs et doctorants, combine les expertises de l’UCCS et de SEGULA Technologies. « Cette synergie nous permet d’adapter rapidement nos travaux à l’évolution des besoins du secteur », conclut Teddy Roy.

Par ailleurs, le laboratoire commun prévoit d’élargir ses travaux à d’autres thématiques connexes, comme la valorisation du CO2. Avec l’arrivée d’un nouveau maître de conférences spécialisé en catalyse courant 2025, l’équipe s’enrichira encore pour relever ces nouveaux défis. 

Les travaux menés par CATAMAREN s’inscrivent dans une perspective macroéconomique essentielle à la transition écologique. En participant à la réduction de l’impact environnemental du transport maritime, le laboratoire contribue à la transformation d’un secteur pivot de l’économie mondiale. Les thématiques explorées par le laboratoire commun sont en émergence. 

Au-delà du maritime, ces innovations pourraient être adaptées à d’autres secteurs, multipliant leur impact sur la réduction des émissions mondiales de CO2. On ne peut que souhaiter « bon vent » à CATAMAREN !